In memoriam : Jean Deutsch

Jean Deutsch nous a quittés le 25 septembre 2022.

S’étant d’abord orienté vers la biologie végétale, Jean Deutsch bifurquera très rapidement vers la génétique en intégrant dès 1967 le laboratoire du professeur Piotr Slonimski dans le nouveau Centre de Génétique Moléculaire de Gif-sur-Yvette. Il s’y distingue comme un collègue enthousiaste et imaginatif au sein d’une équipe qui jeta les bases de la génétique mitochondriale chez la levure Saccharomyces cerevisiæ.

Passionné par la science, il l’était aussi depuis sa prime jeunesse par les questions sociales et politiques. Et c’est à des activités en rapport avec cet intérêt social qu’il s’est consacré après 1974.
Il s’est investi dans la vulgarisation scientifique, entre autres en créant une Boutique des Sciences, au sein de l’université Paris 6, dont l’objectif était d’établir des relations vivantes entre les scientifiques et la société civile. Il crée et gère une crèche parentale, il s’occupe activement de personnes vivant dans le bidonville de Massy…

En 1984, il retourne à la science en intégrant l’équipe de Jean-Antoine Lepesant à l’Institut Jacques Monod, où il travaille dans le domaine de la génétique de la drosophile, ce qui le conduira à soutenir une thèse en 1993. Plus tard, il est nommé professeur à l’université Pierre et Marie Curie, en biologie animale. Il s’engage alors dans un tout nouveau domaine de recherche, l’EVO-DEVO, la génétique comparée du développement. Pour cela, à plus de 50 ans, il acquiert une somme énorme de nouvelles connaissances en zoologie. En fait, il fallait avoir un côté très aventureux pour accepter ce challenge, que Jean Deutsch réussit remarquablement grâce à sa puissance de travail, sa mémoire et son intelligence exceptionnelles.

Tout au long de ces années, Jean Deutsch s’est montré un enseignant enthousiaste et novateur, faisant bénéficier les étudiants de son immense culture scientifique dans de vastes domaines de la biologie, zoologie, génétique, biologie moléculaire, biologie du développement, EVO-DEVO. Il était aussi un collègue très bienveillant et attentif aux autres.

Après sa retraite, nommé professeur émérite, Jean Deutsch a continué à travailler au laboratoire pendant de longues années. Il est aussi revenu à son goût pour la vulgarisation en écrivant plusieurs ouvrages destinés à un public plus large, sur des thèmes en relation avec l’Evolution, publiés au Seuil, « Le ver qui prenait l’escargot comme taxi et autres histoires naturelles » (2007), pour lequel il a obtenu le prix Jean Rostand en 2008, « Le corbeau qui tenait dans son bec un outil, et autres nouvelles histoires naturelles » (2014), et « La méduse qui fait de l’œil » (2017). Ces trois ouvrages témoignent de sa culture naturaliste très vaste et de ses qualités pédagogiques, partant d’observations simples pour aboutir à des concepts fondamentaux et nous faire appréhender l’incroyable « inventivité » de la nature.

Il a également écrit un livre plus fondamental, « Le gène, un concept en évolution » (Seuil, 2012), qui retrace l’évolution du concept de gène à travers les âges, et qui est un ouvrage à la fois érudit et très personnel.

Il participa activement à l’organisation du XXè Congrès International de Zoologie tenu à Paris en 2008.

Avec Jean Deutsch, La Faculté des Sciences et Sorbonne Université perdent un témoin des évolutions considérables qui ont bouleversé les Sciences de la Vie durant ces dernières décennies, et la communauté des Zoologistes perd un membre de tout premier plan.

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